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  • Photo du rédacteurIsabelle Schilling

6 fausses bonnes idées pour revitaliser les collectifs en temps de crise

En période d’incertitude, comment faire en sorte de créer la cohésion de l’ensemble des collaborateurs ? Parmi les pistes de réflexion, six sont en tout cas à éviter.


© GETTY IMAGES


Peut-on encore parler de collectif quand on évoque son équipe ? C’est un enjeu majeur : selon le baromètre de la vie au travail Viavoice, 35% des salariés disent avoir le sentiment de moins faire partie du collectif humain de leur entreprise ou de leur institution. Les cadres, surtout, ont le sentiment de s’être éloignés du groupe. Ils sont 45%, selon la même source, soit près d’un sur deux, à s’estimer désormais moins partie prenante du collectif humain.

Crise sociale, sanitaire, énergétique, perte de sens… Les crises étant vécues de façon très hétérogène par les collaborateurs d’une même entreprise, elles posent la question de la solidité et la durabilité des liens au travail, et de ce qui peut rassembler un corps social dans son ensemble. En la matière, méfions-nous de six fausses bonnes idées.


1. Introduire de nouvelles règles

On ne peut pas travailler ensemble sans partager un minimum de règles communes, un cadre commun dans lequel peuvent se développer à la fois l’autonomie et la collaboration. Mais trop de règles, de procédures et de processus peuvent alourdir les activités et user les énergies. Les managers eux-mêmes sont les premiers à déplorer le temps passé à faire du reporting et suivre des procédures plutôt qu’à accompagner leurs collaborateurs.

Alléger les règles, c’est surtout passer de la règle à la régulation. C’est-à-dire à des mécanismes d’ajustement et de coordination plus souples, plus légers, plus autodéterminés et qui n’écrasent pas les initiatives des individus mais qui, au contraire, les soutiennent dans leurs actions, et garantissent le cadre commun « juste nécessaire » qui leur permettent d’interagir ensemble.

Inspirons-nous des sports collectifs ou encore des groupes de jazz : des combinaisons de jeu, des séquences musicales types et autre routines partagées permettent de mieux réagir, improviser ou innover, quand la situation l’exige. Pour mieux travailler ensemble, des « bonnes pratiques » coécrites permettront de formuler les comportements cibles et règles de vie au sein d’une communauté, dans une logique d’évolution et d’adaptation permanente.


2. Spécialiser les équipes

D’évidence, attribuer des rôles, des responsabilités et un minimum de structure d’organisation est indispensable à l’efficacité collective. L’individu y trouve de la sécurité psychologique (au travers de contributions attendues claires), de l’appartenance sociale (par la place qui lui est attribuée au sein du groupe) et des repères fonctionnels (une clarté des contours de son activité).

Mais attention à ne pas trop rigidifier les organisations. Dans un monde complexe et incertain, les collaborateurs doivent développer des complémentarités et des interdépendances, ce qui implique parfois la capacité à savoir dépasser son domaine de compétences pour soutenir et aider un coéquipier dans une action collective distribuée. C’est exactement ce qui se passe dans un quatuor, ou chaque musicien doit même dégrader sciemment son talent musical personnel pour pouvoir créer le bon niveau d’harmonie avec les autres. Ce subtil ajustement collectif est propre aux équipes de haute performance, où la production collective est supérieure à la simple addition de ses parties.

Il s’agit ici d’une invitation à questionner les organisations existantes et les concevoir comme des mécanismes d’ajustements permanents, à réinventer l’organisation du travail : plus fluide, plus efficace et plus adaptée aux besoins des individus. En somme, pour reprendre une partie du mantra cher à Maurice Lévy, ancien patron de Publicis : « No silo, no solo ».


3. Lancer de nouveaux projets

Plus le contexte est incertain et instable, plus il est tentant de se réfugier dans l’action rapide et le « business as usual ». Il est au contraire nécessaire de prendre le temps de bien connaître les caractéristiques des membres du collectif, leurs points forts, points faibles, complémentarités potentielles et de construire une dynamique de groupe solide, pour faire face aux épreuves futures. Bien sûr, construire une vision, un sens commun et des objectifs est important. Mais comme le disent les alpinistes, avant toute expédition, il faut d’abord clarifier “le lien de cordée”, c’est à dire le pacte social qui relie les équipiers et qui va leur permettre de faire face à toutes les épreuves. Finalement, « si tu as une bonne cordée, tu peux gravir n’importe quel sommet”, explique Blaise Agresti dans son livre Guider en premier de cordée – S’inspirer de la haute montagne pour construire un leadership résilient et durable).

Pour une entreprise, identifier le sommet de sa montagne (sa raison d’être, sa vision…) ne suffit peut-être pas à fédérer. Avant tout projet, il est nécessaire de s’intéresser à la qualité du lien humain et de créer un terreau humain favorable pour que les graines de l’action collective puissent pousser.


4. Se retrouver en face-à-face

L’un des enseignements clés de la période de confinement que nous avons tous vécue est double. Pour certaines activités, notamment celles qui nécessitent de la simple coordination collective, le travail à distance est souvent plus efficace que de longues réunions physiques. Pour d’autres activités, qui nécessitent des interactions individuelles complexes, de la créativité ou de la prise de décision collective, la richesse des échanges directs entre des personnes au sein d’un collectif de travail est irremplaçable. La communication distante se présente alors comme une alternative nouvelle, un prolongement du mode dominant qu’est le face-à-face.

Le débat ne se situe pas au niveau du remplacement du face-à-face par les visio-conférences, mais au niveau de l’usage équilibré de ces deux modes qui, loin de s’opposer, se complètent. Ce qu’il faut penser, ce n’est donc pas la succession mais le réarrangement, entre eux, de tous ces outils. Et passer ainsi d’un lien social créé non plus simplement par la coprésence sur un territoire, mais avant tout par le sentiment de chacun de faire partie du groupe. Tout comme les auteurs de cet article, qui ne se sont encore jamais vus en face-à-face et qui pourtant collaborent efficacement !


5. Se doter de routines

Lors des périodes de confinements, les managers ont accru leur attention aux situations individuelles de leurs collaborateurs et au maintien d’un minimum de cohésion et d’identité dans des équipes dispersées. De nouveaux rituels à distance ont été imaginés, tournés vers le « care », c’est-à-dire la prise en compte du bien-être, du niveau d’énergie ou de fatigue, ou encore des équilibres entre la vie personnelle et la vie professionnelle : tour d’écran météo, « visio-apéro », réunions conviviales et jeux virtuels en équipe pour raviver la cohésion.

Attention cependant à préserver l’authenticité de ces moments tournés vers l’humain. Des rituels trop systématiques, mécanisés et désincarnés perdent tous leur intérêt et sont même contreproductifs, par la lassitude qu’ils vont générer chez ceux qui les subissent. L’unité à tout prix ne doit pas se faire au détriment du maintien de la diversité et du temps « one to one » consacré à chacun. Attention à ne pas diluer les individus dans un « entre-deux » collectif, d’autant plus fragile qu’il serait soutenu par des modes d’animation artificiels, forcés, dénués d’authenticité ou encore sans lien aucun avec l’espace de travail.


6. Commencer par un bon vieux team-building

Ce fameux grand rituel souvent placé à un moment clé de l’année reste un moment fort, souvent porteur d’émotions, de souvenirs et de bons moments partagés. Mais ce type de pratique « corporate », souvent top-down, ne constitue plus un facteur d’engagement dans un contexte où les collaborateurs sont devenus plus sceptiques vis à vis des opérations institutionnelles. La proximité, l’authenticité, la spontanéité sont devenues des valeurs recherchées. Pour les déployer, des occasions de réelle coopération, d’abord en petits comités, sont à privilégier La connaissance mutuelle et la confiance pourront se développer plus naturellement. Le team building peut accélérer les choses, mais s’il est déconnecté de toute dynamique collective au quotidien, il sera vécu comme une corvée, une parenthèse dénuée de sens. Un atelier de partage de pratiques concret permettant l’expression de chacun sera ainsi plus efficace qu’un saut en parachute.

Plus que de bonnes réponses à trouver, il s’agit de prendre le temps de se questionner. Cette période d’incertitude est une toile de fond avec laquelle les collectifs vont devoir composer. Dans ce contexte, si le collectif n’est pas mort, il doit cependant continuer d’évoluer pour subsister. Il aura besoin du soutien des dirigeants, managers et ressources humaines de l’entreprise, et que ces dernières sachent accompagner les collectifs comme une nouvelle unité d’analyse et d’action de l’organisation.



Source: HBR Le 17/10/2022 par Thierry Picq, Maud Alluin-Ndour

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